Une société est un contribuable qui paie l'im-pôt sur le revenu sur son revenu d'entreprise et ses autres revenus. Et, bien entendu, un particulier actionnaire d'une société est un contribuable qui paie l'impôt sur le revenu de dividendes qu'il reçoit de la société. Comme une société verse un dividende à même son revenu après impôt (c'est-à-dire que les divi-dendes ne constituent pas une dépense déduc-tible pour la société), il y a possibilité de double imposition.
Afin de contrer la double imposition, le système d'impôt sur le revenu canadien pré-voit un mécanisme de « majoration » et de « crédit d'impôt pour dividendes » pour les particuliers actionnaires qui reçoivent des dividendes de sociétés canadiennes imposa-bles.
Il y a deux types de dividendes pour lesquels sont prévus des montants différents de majo-ration et de crédit d'impôt pour dividendes. Un « dividende déterminé » est généralement un dividende versé à même le revenu d'entre-prise de la société qui a été assujetti au taux d'impôt général des sociétés, lequel se situe entre 25 % et 30 %, selon la province. Un « dividende non déterminé » est généralement un dividende versé à même le revenu de la société qui a bénéficié de la déduction accordée aux petites entreprises, de sorte que le taux de l'impôt sur ce revenu de la société se situait entre 9 % et 13 % environ, selon la province.
Dans le cas des dividendes déterminés, la majoration est de 38 % du montant du dividende et le crédit pour dividendes fédéral correspond à 6/11 de la majoration. Le crédit provincial diffère selon la province. Pour les dividendes non déterminés, la majoration est de 15 % du montant du dividende et le crédit d'impôt fédéral correspond à 9/13 de la majo-ration. Là encore, le crédit provincial diffère selon la province.
La majoration du dividende a pour but de placer l'actionnaire essentiellement dans la même situation que s'il gagnait lui-même le revenu avant impôt de la société. L'action-naire calcule alors son impôt à payer sur ce montant, et le crédit d'impôt pour dividendes doit essentiellement compenser l'impôt à payer de la société. Résultat net, s'il y a « intégra-tion » parfaite, il n'y aura pas de double imposition, et l'actionnaire paiera l'impôt des particuliers sur le revenu sous-jacent de la société à son propre taux d'impôt marginal, tout en obtenant un remboursement de l'impôt payé par la société.
Exemple
Une société qui gagne un revenu d'entre-prise de 138 $ est assujettie à un aux d'impôt combiné (fédéral-provincial) des sociétés de 27,5 %. La société remet le montant après impôt de son revenu à son actionnaire qui est un particulier. Ce der-nier est imposé à 40 %.
Comme il s'agit d'un dividende déterminé, la majoration est de 38 % du dividende. Le crédit d'impôt pour dividendes fédéral correspond à 6/11 de la majoration. Nous supposerons que le crédit d'impôt pour dividendes provincial est de 5/11 de la majoration, ce qui fait que le crédit total est égal à la majoration.
L'impôt initial de 27,5 % de la société sur le revenu de 138 $ est de 38 $ (pour sim-plifier, tous les chiffres sont arrondis au dollar près). Il reste donc 100 $ à la société pour verser un dividende à l'actionnaire.
L'actionnaire inclut dans son revenu 100 $ plus la majoration de 38 %, pour un total de 138 $, chiffre identique à celui du revenu avant impôts de la société.
L'actionnaire calcule ensuite son impôt initial de 40 % sur 138 $, soit 55 $. Il obtient un crédit d'impôt pour dividendes combiné (fédéral-provincial) de 38 $, ce qui lui laisse un impôt net à payer de 17 $.
Dans cet exemple, il y a parfaite intégration car le crédit d'impôt pour dividendes de 38 $ dont bénéficie l'actionnaire compense exacte-ment l'impôt sur le revenu de 38 $ payé par la société, et le total de l'impôt de la société (38 $) et de l'impôt du particulier (17 $) est de 55 $, montant identique à celui qu'aurait payé l'actionnaire au taux de 40 % sur le montant initial de 138 $ du revenu d'entreprise. D'une province à l'autre, il n'y a pas toujours parfaite intégration, du fait de différences mineures entre les systèmes et calculs fédéraux et pro-vinciaux. Dans chacune des provinces, toutefois, le crédit d'impôt pour dividendes produit un résultat se rapprochant de l'inté-gration.
L'autre façon de déterminer s'il y a intégration parfaite est de comparer le résultat dans le cas d'une société au résultat obtenu si le parti-culier exploitait plutôt lui-même l'entreprise (c'est-à-dire sans l'intermédiaire d'une société). Si l'on reprend ici le cas du particulier de l'exemple précédent, celui-ci aurait payé un impôt de 40 % sur les 138 $ du revenu d'entreprise, soit 55 $, pour un résultat iden-tique à celui de l'exemple.
Le crédit d'impôt pour dividendes ne s'appli-que qu'aux particuliers résidant au Canada qui reçoivent des dividendes imposables de socié-tés résidant au Canada. Il ne s'applique pas aux dividendes que vous recevez de sociétés étrangères, puisqu'il n'est pas jugé approprié que le gouvernement canadien vous accorde un crédit pour un impôt payé à l'étranger par la société étrangère. Vous obtiendrez toute-fois un crédit pour impôt étranger à l'égard de l'impôt étranger que vous payez personnel-lement sur le dividende (souvent une retenue d'impôt de 15 %, dont le taux varie toutefois selon le pays et les dispositions de la conven-tion fiscale conclue entre le Canada et ce pays, s'il en est une).
QU'EN DISENT LES TRIBUNAUX?
Contribuable responsable de l'impôt exigé de sa conjointe pour des déductions à la source non remises
En vertu de la LIR, un administrateur d'une société peut être tenu responsable du défaut de la société de remettre des sommes déduites à la source à l'Agence du revenu du Canada (ARC), au titre par exemple de l'impôt sur le revenu retenu sur le salaire des employés de la société.
En vertu d'une règle différente (la « règle sur le transfert d'un bien »), si une personne trans-fère un bien à une personne avec laquelle elle a un lien de dépendance, comme son con-joint, le cessionnaire peut être tenu respon-sable des dettes fiscales du cédant pour l'année du transfert ou les années précédentes.
Dans de nombreuses causes récentes, un conjoint cessionnaire d'un bien a été tenu responsable d'une dette d'un cédant adminis-trateur de société, dette ayant résulté de l'obligation de la société à l'égard de déduc-tions à la source (ou de la TPS/TVH).
Dans le récent arrêt Colitto, la cessionnaire (épouse) a fait valoir que la dette de son mari administrateur au titre de déductions à la source non remises de la société n'était appa-rue que lorsque l'ARC avait tenté de recou-vrer la dette de la société et qu'il y avait eu « défaut d'exécution » à l'égard de cette somme – prononcé de la Cour fédérale que la LIR estime essentiel pour que l'administrateur encoure une responsabilité.
Les sommes déduites à la source et non remises par la société remontaient à 2008, moment auquel le mari était devenu respon-sable en sa qualité d'administrateur. Celui-ci avait transféré un bien à son épouse, égale-ment en 2008.
En 2011, après qu'elle eut échoué à recouvrer les sommes dues par la société (le « défaut d'exécution » ayant été prononcé), l'ARC a adressé un avis de cotisation au mari administrateur au titre des déductions à la source non versées par la société. Quelques années plus tard, l'ARC a adressé à l'épouse un avis de cotisation pour la valeur du bien que le mari lui avait transféré, et cette dernière a interjeté appel devant la Cour canadienne de l'impôt (CCI).
La CCI a affirmé que le mari ne pouvant faire l'objet d'un avis de cotisation à titre d'administrateur en 2008 (étant donné que l'ARC n'avait pas encore tenté de faire exécuter le jugement rendu contre la société à ce moment-là), l'épouse ne pouvait être redeva-ble envers le fisc relativement au transfert du bien.
L'ARC a porté ce jugement devant la Cour d'appel fédérale, qui a accepté d'entendre la cause et trouvé l'épouse responsable. La Cour d'appel a fait valoir que la responsabilité de l'administrateur apparaît au moment où la société fait défaut de remettre les sommes déduites à la source, même si l'ARC ne peut imposer l'administrateur tant qu'elle n'a pas tenté de recouvrer son dû auprès de la société.
En conséquence, l'épouse a fini par être jugée débitrice pour la valeur du bien que son époux lui avait transféré.
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