Soyez prudent si vous recevez de l'argent, des cadeaux ou des transferts de bien d'un membre de votre famille, dont votre con-joint, et que cette personne doit (ou pourrait éventuellement devoir) de l'argent à l'Agence du revenu du Canada (ARC), au titre soit d'impôt sur le revenu ou de TPS.
L'ARC a le pouvoir de retracer un bien ou de l'argent transféré à une personne avec laquelle le débiteur a un «lien de dépen-dance» − ce qui inclut un proche parent (et, selon les circonstances, peut également inclure des amis).
Si un débiteur fiscal vous transfère de l'ar-gent ou un bien (par exemple, la résidence familiale) dans une année au cours de laquelle, ou pour laquelle, il doit de l'argent à l'ARC, ou dans toute année ultérieure, le gouverne-ment peut vous imposer en vertu de l'arti-cle 160 de la Loi de l'impôt sur le revenu (LIR) pour la valeur nette que vous avez reçue. (La même règle générale s'applique en vertu de l'article 325 de la Loi sur la taxe d'accise à toute TPS ou TVH que le débiteur fiscal peut devoir.)
La dette envers l'ARC peut se présenter sous diverses formes, dont les suivantes :
Exemple
Richard et Linda ont la propriété conjointe de leur maison, qui vaut 200 000 $ et est libre d'hypothèque. En septembre 2016, Richard transfère sa part de 50 % dans la maison à Linda, de telle sorte que celle-ci détienne la totalité de la maison.
Richard est membre du conseil d'adminis-tration d'une société qui clôture son exer-cice le 31 décembre. En novembre 2016, l'entreprise commence à battre de l'aile et elle utilise 130 000 $ des déductions sala-riales et de la TPS/TVH retenues pour payer des créanciers plutôt que de remet-tre les fonds à l'ARC. Plus tard, la société fait faillite, laissant derrière elle une traînée de créanciers impayés, dont l'ARC.
L'ARC pourra envoyer à Richard un avis de cotisation de 130 000 $, à titre d'admi-nistrateur de la société, relativement aux déductions à la source et à la TPS non remises. Pour se soustraire à sa dette, il devra normalement démontrer qu'«il a agi avec autant de soin, de diligence et de compétence que ne l'aurait fait une per-sonne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances» (la défense de «dili-gence raisonnable»).
Supposons que Richard est trouvé coupa-ble, mais qu'il n'a pas d'actif pour payer les 130 000 $.
L'ARC peut, en vertu de l'article 160, imposer Linda pour 100 000 $ − la valeur que Richard lui a transférée, puisque le transfert a eu lieu au cours de la même année. Elle sera personnellement respon-sable de ce montant et, si elle n'a pas d'au-tres actifs, l'ARC enregistrera un privilège sur la maison (et pourrait même en forcer la vente).
Richard a donc aggravé les choses en transférant la maison à Linda. Tous les actifs de celle-ci sont maintenant suscep-tibles de saisie, pas seulement la maison.
Linda peut recevoir un avis de cotisation à n'importe quel moment – même 5, 10 ou 20 ans après l'apparition de la dette de Richard. Il n'y a aucun délai de prescrip-tion pour une telle cotisation.
Comme il a été dit plus haut, il n'est pas nécessaire que le transfert soit fait au conjoint pour être visé. Des transferts à d'autres mem-bres de la famille seront ciblés, de même que les transferts faits par une société à un action-naire.
Voici quelques autres exemples de cas où les tribunaux ont conclu que cette règle s'appli-quait – certains sont surprenants :
Les paiements hypothécaires peuvent être considérés comme un transfert d'argent fait par David à Diane, ce qui fait que Diane peut être imposée pour les dettes fiscales de David. (Selon quelques jugements, une réduction pourrait être accordée à Richard pour la valeur du loyer gratuit qu'il a reçu de Diane, mais pas selon d'autres.) Si Diane n'a pas d'argent, l'ARC peut enre-gistrer un privilège sur la maison.
L'ARC peut adresser un avis de cotisation à Marie pour le transfert d'un bien que lui a fait la société au moyen du dividende. Marie devra probablement payer l'impôt de 15 000 $ − même si elle a déjà payé l'impôt sur le revenu sur le dividende de 15 000 $!
L'ARC peut imposer Len jusqu'à hauteur de 10 000 $ des dettes fiscales de Len ltée. Le paiement fait à la créancière de Len (Karen) est considéré comme un transfert d'argent à Len. (Il sera également imposa-ble pour Len à titre d'avantage de 10 000 $ à un actionnaire.)
Exceptions
Quelques exceptions sont prévues à la règle de l'article 160 permettant de «retracer» des transferts.
En premier lieu, la règle ne s'applique pas dans la mesure où le cédant reçoit une contrepartie pour le bien transféré. Par conséquent, dans l'exemple ci-dessus, si Linda avait payé 30 000 $ à Richard pour sa part de 100 000 $ dans la maison qu'il lui avait transférée (ou si le transfert avait servi à effacer un prêt antérieur de 30 000 $ que Linda avait consenti à Richard), l'ARC ne pourrait imposer Linda que pour 70 000 $ − valeur nette du transfert.
En second lieu, la règle ne s'applique géné-ralement pas à un transfert fait lors de la rupture d'un mariage ou d'une union de fait, s'il est fait en vertu des conditions d'une ordonnance judiciaire (un jugement de divorce, par exemple) ou d'une convention de séparation écrite. Par conséquent, si Richard avait transféré à Linda sa part dans la maison parce qu'ils se séparaient ou divorçaient, l'ARC pourrait être incapable d'imposer Linda. Ces règles s'appliquent aussi bien aux conjoints de fait qu'aux couples légalement mariés.
Soyez prudent!
Les agents percepteurs de l'ARC suivront activement les transferts faits par des con-tribuables en défaut. Par exemple, ils scru-teront les registres des transferts de biens immobiliers, les registres bancaires et d'autres sources pour repérer les cessionnaires qui pourraient être imposés.
Par conséquent, si un membre de votre famille vous fait un cadeau en argent ou vous transfère un bien, ou encore vous laisse un héritage – soyez prudent! Le transfert peut être assorti de contraintes, sous la forme d'un avis de cotisation futur de l'ARC.
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